La prescription des actions personnelles : le régime transitoire
Jean est un bon fils. Les années ont passé et il n'a encore rien remboursé de son prêt octroyé par ses parents. Pour autant, ces derniers ne sont pas inquiets. Ils savent qu'actuellement, avec sa charge de famille, Jean aurait bien du mal à leur restituer les fonds, mais ils ne doutent pas qu'un jour, il les remboursera. Mais sait-on jamais ?
1. Introduction
« Je reconnais avoir reçu en prêt de mes parents la somme de 3.000.000 francs afin de m’aider à acheter ma maison.
Louvain-la-Neuve, le 12 septembre 1997 ».
Jean
Jean est un bon fils. Les années ont passé et il n’a encore rien remboursé. Pour autant, ses parents ne sont pas inquiets. Ils savent qu’actuellement, avec sa charge de famille, Jean aurait bien du mal à leur restituer les fonds, mais ils ne doutent pas qu’un jour, il les remboursera.
Mais sait-on jamais ? Et s’il était « bien (ou mal...) » conseillé ?
2. Prescription et droit transitoire
Jusqu’en 1998, les actions personnelles (En bref, les actions personnelles sont celles qui concernent une créance, par opposition aux actions réelles qui concernent le droit à une chose mobilière ou immobilière) se prescrivaient par 30 ans.
En vertu de l’article 5 de la loi du 10 juin 1998 modifiant l’article 2262 bis du Code civil, ce délai a été réduit à 10 ans pour les actions personnelles dérivées d’un contrat.
Toutefois, l’article 10 de la même loi, relatif au droit transitoire, dispose que :
« Lorsque l’action a pris naissance avant l’entrée en vigueur de la présente loi, les nouveaux délais de prescription qu’elle institue ne commencent à courir qu’à partir de son entrée en vigueur. Toutefois, la durée totale du délai de prescription ne peut dépasser trente ans ».
La nouvelle loi a été publiée au Moniteur belge le 17 juillet 1998 et est entrée en vigueur le 27 juillet 1998.
Ainsi, si la prescription d’une action personnelle dérivée d’un contrat a commencé à courir AVANT le 27 juillet 1998, l’échéance sera atteinte le 27 juillet 2008 – à moins que, entre-temps, la prescription ait été suspendue ou interrompue.
3. Point de départ de la prescription en matière de prêt
En matière de prêt à intérêts, si une date a été fixée pour le remboursement, la prescription de l’action débutera le lendemain de cette échéance.
Par contre, si aucun délai de remboursement n’était prévu, « le délai de prescription de l'action en remboursement des sommes prêtées commence à courir à partir de la naissance du contrat de prêt » (Civ. Hasselt (10e ch.), 7 octobre 1999, Limb. Rechtsl., 2000, p. 107).
Ainsi donc, dans l’exemple ci-dessus, au moment de l’octroi du prêt à Jean, soit le 12 septembre 1997, la règle applicable était celle de la prescription trentenaire. L’action en remboursement était alors censée n’être prescrite que le 12 septembre 2027 (date du contrat + 30 ans). Toutefois, à partir du 27 juillet 1998, la règle applicable est devenue celle de la prescription décennale. Et en vertu des dispositions transitoires de la loi du 5 juin 1998, à partir du 27 juillet 2008, Jean pourra invoquer la prescription ... et décevoir ses parents.
Comment le prêteur peut-il éviter pareille déconvenue ?
L’article 2248 du Code civil prévoit que la prescription est interrompue par une reconnaissance de la dette par le débiteur. Les parents de Jean seront dès lors bien inspirés de lui faire signer une telle reconnaissance avant le 27 juillet 2008. Et pour éviter toute difficulté, ils feront enregistrer celle-ci (pour un droit fixe de 25 €) afin de lui donner date certaine.
4. Conclusion
La prescription est souvent un piège. Mais si vous avez lu cette note, vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenu ... .