Le recouvrement de créances non contestées en B2B : procédure simplifiée

Rédigé le 25 November 2019

Engager une procédure pour une facture de 750 € htva ? Pas la peine ! Hummm ! Pas si sûr !

Une facture de 750 € htva. Premier rappel. Deuxième rappel. Tentative par téléphone. Mise en demeure. Rien ! En dépit de tous vos efforts, votre débiteur ne réagit pas et surtout, il ne paie pas. Vous avez tout essayé, mais en vain. 

Au final, soit vous laissez tomber, soit vous allez au tribunal. Mais vous vous dites que payer un avocat pour récupérer 750 €, ça ne vaut pas le coût (en sens propre). Hummm ! Pas si sûr ! 

En effet, la procédure extrajudiciaire de recouvrement de créances commerciales non contestées (articles 1394/20 et suivants du Code judiciaire) pourrait vous sauver la mise. Cette procédure simplifiée est rapide et efficace. Ici, nul besoin de comparaître devant un tribunal ; tout se passe en direct avec l’huissier de justice.

1.   Quelles sont les conditions ?

Le recours à la procédure simplifié n’est possible que si les conditions suivantes sont respectées :

  1. Le créancier et le débiteur doivent être inscrits à la Banque Carrefour des Entreprises (BCE). Il s’agitd’une condition sine qua non. La procédure n’est possible qu’en B2B.

  2. La créance doit être exigible et incontestée. Si la créance a déjà été contestée, la procédure simplifiée ne pourra pas être suivie.

  3. La créance doit être de nature économique (commerciale).

  4. Le recours à un avocat est obligatoire. La procédure est sommaire. Aussi, le législateur a estimé que le passage obligé par un avocatétait de nature à éviter les dérives.

2.   Que peut-on réclamer ?

La procédure simplifiée peut porter sur :

  1. La créance en principal, née d’un contrat[1], quel que soit son montant (c’est pour l’exemple que, ci-dessus, on évoque un montant de 750 €) ;
  2. Les majorations légales de la créance en principal, telle l’indemnité de 40 € à titre de frais de recouvrement prévue dans la loi du 2 août 2002 ;
  3. Les intérêts et la clause pénale, s’ils sont dus, mais plafonnés à 10 % maximum du montant de la créance due en principal ;
  4. Les frais d’huissier.

3.   Comme se déroule la procédure ?

1eétape : envoi d’une sommation de payer par huissier

Sur demande de l’avocat (et uniquement sur demande d’un avocat), l’huissier envoie au débiteur récalcitrant une sommation de payer. 

La sommation comprend :

  1. une description claire de l’obligation dont découle la dette ;
  2. une description et une justification claires de tous les montants réclamés au débiteur, y compris les frais de la sommation et, le cas échéant, les majorations légales, les intérêts et les clauses pénales ;
  3. la manière dont le paiement peut être fait ;
  4. les  possibilités dont  dispose  le débiteur  pour  réagir à  la  sommation ;
  5. l’inscription du créancier et du débiteur à la B.C.E.

En outre, y sont joints :

  1. la copie des pièces probantes du créancier (p.e. contrat, facture, reconnaissance de dette) ;
  2. un formulaire de réponse.

Cette sommation est un passage obligé. Qu’importe donc que des mises en demeure aient déjà été envoyées par le créancier ou par son avocat.

2èmeétape : réaction (ou pas) du débiteur

À compter de la sommation, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour réagir.

Trois réactions sont possibles :

  1. Le débiteur paie sa dette

Dans ce cas, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Attention : ce paiement à valeur de transaction. Ainsi donc, il ne sera plus possible, ensuite, de réclamer la partie des intérêts ou des clauses pénales dépassant le seuil légal de 10 %.

  1. Le débiteur conteste la dette

Dès l’instant où une contestation motivée est émise, la procédure simplifiée prend fin. Il importe peu que la motivation soit sérieuse ou farfelue.

Dans ce cas, le créancier n’y aura d’autres choix que d’agir en Justice contre le débiteur selon la procédure ordinaire. Dans ce cadre, il pourra réclamer le remboursement des frais d’huissier avancés à l’occasion de la procédure simplifiée.

Attention : une contestation non motivée est inopérante.

  1. Le débiteur propose un plan de paiement

Si le débiteur ne conteste pas la dette, mais propose un plan de paiement qui est accepté par le créancier, alors la procédure sera suspendue. On notera toutefois que rien ni personne ne peut obliger le créancier à accepter un quelconque plan.

Attention : tant qu’il n’y a pas d’accord sur le plan de paiement, le délai d’un mois continue à courir.

Si, après coup, le débiteur ne respecte pas le plan, on passe à la troisième étape.

  1. Le débiteur ne réagit pas

Dans ce cas, on passe à la troisième étape.

3eétape : procès-verbal de non-contestation

Si le débiteur n’a pas réagi dans le délai légal, ou s’il a contesté la dette, mais sans indiquer le motif de la contestation, ou s’il a obtenu un plan, mais ne l’a pas respecté, alors l’huissier dresse un procès-verbal de non-contestation portant sur le total de la dette ou sur le solde restant dû.

4eétape : formule exécutoire

Sous le contrôle d’un magistrat, le procès-verbal de non-contestation est ensuite revêtu de la « formule exécutoire »[2].

À ce stade, le créancier dispose d’un titre, qui a la même valeur qu’un jugement, et qui lui permet de procéder à l’exécution forcée, c’est-à-dire de pratiquer des saisies.

5eétape : voie de recours

Après coup, et spécialement lorsque des saisies sont pratiquées contre lui, le débiteur peut introduire un recours devant le Tribunal de l’entreprise. Malheureusement, le législateur n’a pas fixé de délai dans lequel le débiteur pouvait ainsi introduire un recours. Ce recours est suspensif.

4.   Conclusion

En bref, les avantages et les désavantages de la procédure simplifiée sont les suivants : 

Avantages :

  1. Les frais d’avocats sont limités : l’avocat doit procéder à un examen sommaire du dossier et mandater un huissier. Ensuite, il faudra encore qu’il soit en rapport avec l’huissier pour assurer le suivi, en fonction des réactions du débiteur. Tout est cas d’espèce, mais pour un dossier facile, un montant d’honoraires de 250 € semble raisonnable.
  2. La procédure est rapide : en six à huit semaines, il est possible d’avoir un titre exécutoire.

Désavantages :

  1. Si le débiteur conteste, on aura perdu du temps et de l’argent.
  2. La limitation à 10 % des intérêts et de la clause pénale est pénalisante.

Au final, nous recommandons de recourir à la procédure simplifiée pour les dossiers dont l’enjeu est limité et dans lesquels on est raisonnablement sûr qu’il n’y aura pas de contestation. A contrario, si l’enjeu est important ou s’il y a la moindre ombre au tableau, à coup sûr, le débiteur se défendra et, dans ce cas, autant engager immédiatement la procédure ordinaire.

 

Novembre 2019

 

Me Aurore Lefebvre

Avocat

 

Me Thierry Corbeel

Avocat spécialiste en droit commercial et en droit des sociétés

 

[1]A contrario, les créances non contractuelles (p.ex. une indemnité due suite à un accident de voiture) ne sont pas visées, à moins qu’elles aient fait l’objet d’une reconnaissance de dette.

[2]La formule exécutoire est la suivante :

 

« Nous, PHILIPPE, Roi des Belges,

A tous, présents et à venir, faisons savoir :

Mandons et ordonnons à tous huissiers de justice, à ce requis de mettre le présent arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte à exécution ;

A Nos procureurs généraux et Nos procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, d'y tenir la main, et à tous commandants et officiers de la force publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis ;

En foi de quoi le présent arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte a été signé et scellé du sceau de la cour, du tribunal ou du notaire ».

 

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