« Pour solde de tout compte ! » Qu'est-ce à dire exactement ?
On voit souvent des situations conflictuelles se régler « pour solde de tout compte », attention aux limitations !
1. Introduction
Pour éviter un litige, on paye x euros « pour solde de tout compte », et puis on en est quitte. Ou du moins le croit-on, car, en réalité, la formule est un peu courte.
2. Arrêté de compte
La formule « pour solde de tout compte » indique uniquement qu’un décompte des sommes dues a été arrêté entre les parties.
Un tel « arrêté de compte » empêche que le décompte puisse être remis en cause, « sauf s’il y a erreurs matérielles, omissions, faux ou doubles emplois », précise l’article 1368 du Code judiciaire. Cette disposition s’applique tant aux décomptes judiciaires qu’aux décomptes amiables.
En outre, encore faut-il « qu’un véritable compte ait été rendu entre les parties, c’est-à-dire que le compte ait été arrêté, discuté, approuvé ou ratifié dans des conditions qui impliquent une véritable reddition de compte et la volonté des parties de fixer définitivement leurs situations respectives » (Cass., 29 janvier 1986, Pas., 634). Par prudence, on veillera donc à conserver les brouillons, les fichiers excel, … pour prouver que le décompte a bel et bien été discuté.
3. Transaction
A contrario, l’usage de la formule « pour solde de tout compte » n’implique pas nécessairement qu’une transaction ait été conclue, c’est-à-dire que les parties se sont fait des concessions réciproques en vue de prévenir ou de mettre fin à un litige.
La formule peut certes être un indice de l’existence d’une transaction, mais on se situe alors au niveau de la preuve.
Aussi, si l’arrêté de compte présente, en outre un caractère transactionnel, on privilégiera la formule « à titre transactionnel et pour solde de tout compte ».
Notons qu’en pareil cas, le décompte sera définitif : il ne pourra pas être remis en cause en cas d’erreur matérielle, d’omission ou de double emploi (L. SIMONT & P.-A. FORIER, "Examen de jurisprudence (1981 – 1991) – Les contrats spéciaux", R.C.J.B., 2001, p. 558, n° 294).
4. Quittance
La quittance est la preuve écrite de ce que le créancier a reçu une somme d’argent. En donnant quittance, celui-ci reconnaît qu’il a été payé.
Ainsi donc, si un compte est arrêté et que le solde est payé au créancier, on utilisera la formule « quittance pour solde de tout compte ».
Si, de surcroît, on se situe dans un cadre transactionnel, on écrira « quittance à titre transactionnel et pour solde de tout compte ».
5. Protection de la partie faible
Conscient qu’il existe un certain flou à propos de ces notions, sinon dans les textes au moins dans l’esprit des justiciables, le législateur a instauré des règles particulières pour protéger la « partie faible » dans diverses matières.
Ainsi, l’article 42 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail dispose que :
« La quittance pour solde de tout compte remise par le travailleur dès le moment où le contrat prend fin ne signifie pas pour celui-ci qu’il renonce à ses droits ».
De même, l’article 84 de la loi sur le contrat d’assurance terrestre prévoit que :
«Une quittance pour solde de compte partiel ou pour solde de tout compte n'implique pas que la personne lésée renonce à ses droits.
Une quittance pour solde de tout compte doit mentionner les éléments du dommage sur lesquels porte ce compte ».