Suppression des quasi-apports dans les SRL et risques de fraude
La disparition des quasi-apports dans les SRL va amener à la réapparition d'une fraude classique appellée "apport en numéraire fictif"
1. La disparition des quasi-apports
1.1. Les quasi-apports
En 1985, en application de la 2e Directive du Conseil des Communautés européennes du 13 décembre 1976, le législateur belge avait adopté des dispositions spécifiques pour les « quasi-apports ».
En exécution de cette législation, lorsque, dans les deux ans suivants la constitution d’une société, un fondateur, un actionnaire, un administrateur ou gérant vendait à celle-ci, un bien lui appartenant, il devait faire valider le prix de vente par un réviseur d’entreprises, comme s’il s’agissait non pas d’une vente, mais d’un apport en nature [1].
En cas de violation de la réglementation, la sanction était lourde et automatique : c’était la nullité.
1.2. Illustration de la fraude
Mais pourquoi de telles règles ? Pour éviter les fraudes bien sûr !
Imaginons la société NICNAC dont les associés sont Nicolas, qui possède 2/3 des actions, et Sabine qui en possède 1/3.
Pour notre exemple, considérons que NICNAC procède à une augmentation de capital de 600.000 €, moyennant la création de 600 nouvelles actions.
Chacun des associés y souscrit à hauteur de sa participation ; Nicolas souscrit à hauteur de 400.000 € en échange de 400 nouvelles actions ; Sabine souscrit à hauteur de 200.000 € en échange de 200 nouvelles actions.
Comme il se doit, Nicolas et Sabine libèrent immédiatement un quart du capital, à savoir respectivement 100.000 € et 50.000 € (25 %).
Quelques jours (ou quelques instants) après, Nicolas vend une maison, au prix de 600.000 €, à NICNAC.
Dans la foulée, NICNAC appelle le solde du capital souscrit, mais non libéré.
Nicolas doit donc verser 300.000 € et Sabine doit verser 150.000 €.
Sabine verse immédiatement la somme due.
À ce stade, NICNAC dispose donc de :
- libération d’un quart par Nicolas : 100.000 €
- libération d’un quart par Sabine : 50.000 €
- libération du solde par Sabine : 150.000 €
Soit au total : 300.000 €
NICNAC verse alors cette somme de 300.000 € à Nicolas pour prix de 50 % de la valeur de la maison tandis que pour le solde du prix de vente (300.000 €), une compensation légale s’opère avec créance de la société sur Nicolas, résultant de l’appel au capital non libéré par celui-ci (300.000 €).
Mais qu'en est-il si, en réalité, la maison ne vaut objectivement que 300.000 € et non pas 600.000 €.
En ce cas, la valeur réelle des apports est la suivante :
- apport en numéraire de Sabine : 200.000 €
- apport en numéraire de Nicolas : 100.000 €
- apport de la maison par Nicolas : 150.000 €
Soit au total : 450.000 €
Nous avons alors :
Associé | Apports réels | Nombre de nouvelles actions reçues | Prix réel payé par actions |
Nicolas | 250.000 € | 400 | 625 € |
Sabine | 200.000 € | 200 | 1.000 € |
Et au final, NICNAC, Sabine et les tiers auront été trompés :
- NICNAC, parce qu’elle a acheté un bien à un prix surfait !
- Sabine, parce qu’elle a payé ses nouvelles actions beaucoup trop cher !
- les tiers, parce qu’ils se figurent que NICNAC détient un actif valant 600.000 € !
Par contre, Nicolas fait la bonne affaire … mais c’est une fraude.
La législation sur les quasi-apports permettait de limiter les risques de fraude de ce type puisque, en application de celle-ci, la valeur de l’immeuble aurait été contrôlée par un réviseur d’entreprises.
Elle n’était toutefois pas parfaite puisqu’elle ne s’appliquait que pendant les deux premières années suivant la constitution et qu’elle ne s’appliquait pas en cas d’augmentation de capital.
1.3. Suppression des quasi-apports pour les SRL
Le Code des Sociétés et des Associations a purement et simplement supprimé les règles applicables aux quasi-apports pour les SRL (elles demeurent pour les SA).
Les travaux préparatoires du CSA justifient cet abandon par le fait que le maintien des quasi-apports ne serait plus nécessaire compte tenu du renforcement des règles en matière de conflit d’intérêts [2].
À titre personnel, je trouve cela un peu naïf.
2. Les apports fictifs en numéraire
Ce serait une grave erreur que de croire que, désormais, dans les SRL, tout est permis.
D’ailleurs, tout n’a jamais été permis. Ainsi, ce n’était pas parce que la législation sur les quasi-apports ne s’appliquait que pendant les deux premières années de la société que, dès le lendemain du deuxième anniversaire, on pouvait s’en donner à cœur joie ! La législation sur les quasi-apports permettait toutefois de refroidir les ardeurs des plus audacieux.
Mais maintenant que les règles qui encadraient les quasi-apports dans les SRL n’existent plus, il ne fait guère de doute que les renards vont revenir dans le poulailler.
Comment dès lors sanctionner les abus qui réapparaîtront inévitablement ?
2.1. Les apports en nature
L’article 5:13 du CSA dispose que (nous soulignons) :
« (…) l’acte constitutif mentionne les données suivantes :
(…)
6° l’indication de chaque apport en nature, le nom de l'apporteur, le nombre des actions émises en contrepartie de chaque apport, le cas échéant, le nom du réviseur d’entreprise et les conclusions de son rapport ainsi que, le cas échéant, les conditions auxquelles l’apport est fait ;
(…) ».
L'article 5:133, § 1er reprend une règle similaire s’agissant des apports supplémentaires en nature (les augmentations de capital selon l’ancien Code des sociétés).
La doctrine (A. BENOIT-MOURY & A. GREGOIRE - 3e éd du Traité de RESTEAU) enseigne que (nous soulignons) :
« Le but que le législateur a poursuivi en édictant l’article 30 ([1]) est évident. Il a voulu contraindre les constituants de sociétés anonymes à divulguer d’une façon aussi complète que possible les éléments essentiels de la situation sociale, à faire la lumière sur la valeur réelle des apports et à faire connaître avec précision la rémunération attribuée pour chaque apport ».
On ne saurait mieux dire.
Pour que la lumière soit faite sur la valeur réelle des apports, que ce soit lors de la constitution ou lors d’apports subséquents, le législateur a prévu une procédure lourde.
Il impose notamment :
1) un rapport d’un réviseur d'entreprise sur les apports ; la teneur et la structure du rapport du réviseur sont strictement codifiées par les « Normes relatives au contrôle des apports en nature et quasi-apports » de l‘I.R.E. qui sont obligatoires pour les réviseurs d’entreprises conformément à l’article 31 de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d'entreprises.
En particulier, lesdites normes disposent que (nous soulignons) :
« 2.4. Le réviseur d’entreprises contrôle les modes d’évaluation de chaque apport en nature ou de chaque bien à céder adoptés par les parties, ainsi que leurs motivations. Il juge la valeur du choix opéré par les parties. Le réviseur d’entreprises attachera une importance particulière à ce que l’apport en nature ou le bien à céder ne soit pas surévalué. Le réviseur d’entreprises ne peut en aucun cas procéder lui-même à l’évaluation de chaque apport en nature ou du bien cédé.
2.4.1. L’objectif du contrôle des évaluations de chaque apport en nature ou du bien à céder est de déterminer dans quelle mesure les méthodes retenues par les parties conduisent à des valeurs qui ne s’écartent pas de façon manifeste des valeurs qui résulteraient d’un contrat entre parties non liées dans des circonstances normales de marché. Le réviseur d’entreprises attachera une attention particulière à ce que l’apport en nature ou le bien à céder ne soit pas surévalué ».
2) un rapport spécial de l’organe d’administration « comportant une description de chaque apport en nature et donne une évaluation motivée » et indiquant « le cas échéant, les raisons pour lesquelles il s’écarte des conclusions (du rapport du réviseur) » (article 5:133 du CSA).
3) la publication des rapports au Moniteur belge.
Cette procédure permet l’objectivation de la valeur des apports.
On prévient ainsi le « glissement des droits sociaux » qui verrait les actionnaires ayant fait des apports en numéraire être désavantagés en cas de surévaluation des apports en nature [2].
(Voir l’illustration ci-dessus).
2.2 Les risques de fraude : l'apport en numéraire fictif
Parce que la procédure est lourde et parce que d’aucuns trouvent un avantage évident dans la surévaluation des apports, il peut être tentant de contourner les dispositions applicables.
Ainsi, la doctrine explique que (A. BENOIT-MOURY & A. GREGOIRE - 3e éd du Traité de RESTEAU) (nous soulignons) [3] :
« Une fraude est concevable en cette matière : effectuer les apports en numéraire et postérieurement à la constitution de la société faire acheter par celle-ci les biens qui normalement auraient dû être apportés en nature lors de la passation de l’acte constitutif à ce propos Me Resteau s’exprimait en ces termes : ‘Dans la pratique s’est présentée souvent la question suivante : des actionnaires souscrivent en numéraire des actions lors de la constitution de la société ou lors d’une augmentation de capital et les libèrent régulièrement du minimum légal ; puis quelques jours après, ils vendent à la société des immeubles, des meubles, des créances ou des droits quelconques ; le prix qui leur est dû compense de plein droit et à due concurrence le montant non libéré des actions qu’ils ont souscrites. Cette compensation légale est parfaitement régulière. Mais faut-il considérer ces actions comme souscrites en numéraire ou, au contraire, sont-ce des actions soumises aux dispositions des articles 47 et suivants des lois coordonnées ? ».
Et que (M. LUTTER) [4] :
« La vérification des apports telle que décrite ci-dessus est longue et coûteuse : les entrepreneurs la ressentent comme une charge. C'est pourquoi ils ont usé de leur imagination et de celle de leurs conseils dans le but d'éviter le plus possible l'application de ces réglementations. Ce qui n'est, à vrai dire, pas très difficile : si un bien, un immeuble ou une participation doit être apporté dans une société contre remise d'actions, on peut le faire dans le cadre d’une augmentation de capital contre apports en nature. Mais, on peut également vendre les biens à la société et apporter ensuite les espèces comme apport en numéraire ».
Et encore que (P. HAINAUT-HAMENDE & G. RAUCQ) (nous soulignons) [5] :
« La fraude visée consiste à réaliser un apport en nature sous le couvert d’un apport en numéraire. Par exemple, le fondateur libère les actions en espèces et la société s’engage à lui acheter un bien pour un prix correspondant à l’apport en numéraire. Ou bien le fondateur vend un bien à la société et compense la créance qu’il possède sur la société du chef de la vente avec le solde à libérer de son apport en espèces ».
Ces opérations frauduleuses sont qualifiées d’APPORTS EN NUMÉRAIRE FICTIFS [6].
Il s’agit d’une FRAUDE : on ne peut pas, lorsque la solution naturelle est de procéder à un apport en nature, remplacer celui-ci par un apport en numéraire et ensuite, grâce aux fonds obtenus, faire acheter par la société le bien qu’on aurait dû apporter.
Les articles 5:13 et 5:133 sont d’ailleurs d’ordre public.
D'ailleurs, la violation de leurs équivalents dans le Code des sociétés était sanctionnée pénalement. Si aujourd’hui la sanction pénale a disparu, c’est parce que le législateur du CSA a voulu supprimer ces sanctions qui fleurissaient un peu partout dans le Code des sociétés et certainement pas parce qu’il aurait considéré que la règle était supplétive ou seulement impérative.
La protection des actionnaires, de la société et des tiers est à ce prix.
2.3 Le dol à l'occasion d'un apport en numéraire fictif
S’agissant de l’apport en numéraire fictif, poursuivant leur exposé, A. BENOIT-MOURY & A. GREGOIRE expliquaient que (nous soulignons) [7] :
« (...). Mais faut-il considérer ces actions comme souscrites en numéraire ou, au contraire, sont-ce des actions soumises aux dispositions des articles 47 et suivants des lois coordonnées ?
D’après les principes juridiques, ce sont incontestablement des actions d’apports consistants en numéraire ; en effet, lors de la souscription, l’actionnaire s’est engagé à faire apport de numéraire ; de plus, le paiement par compensation est également, ainsi que nous l’avons rappelé jadis, un paiement en numéraire.
Faisons remarquer aussi que, même s’il ne fallait pas considérer comme une libération en numéraire le versement par compensation, les actions échapperaient néanmoins, d’après nous, à l’application des articles 47 et suivants des lois coordonnées puisque nous avons admis que les actions partiellement libérées en numéraire n’étaient pas soumises à ces dispositions.
Toutefois, si les actions avaient été souscrites fictivement en numéraire, s’il avait été convenu d’avance qu’immédiatement après la souscription, le souscripteur vendrait les effets qu’en réalité il avait la volonté d’apporter, si, en d’autres termes, la souscription d’actions en numéraire et la cession géminée des effets n’ont été imaginées que dans le but d’éluder les dispositions relatives aux cessions des actions ne consistant pas en numéraire, il faudrait décider que les actions sont bien des actions d’apports effectifs. Il n’est jamais permis d’éluder des dispositions légales d’ordre public’ ».
Dans la recherche de cette intention dolosive, on sera donc attentif :
1) à la proximité temporelle entre l’apport en numéraire et la vente du bien ;
2) au caractère manifestement exagéré du prix de vente du bien.
S’agissant de ce second critère, il est certain que la société détermine librement la valeur du bien qu’elle achète, même si aux yeux de certains, le prix qu’elle paye peut paraître exagéré.
C’est là toute la différence entre le prix et la valeur.
C’est d’ailleurs pour cela que, à l’occasion d’un apport en nature, elle peut s’écarter de l’avis du réviseur, à charge toutefois pour elle de s’en justifier.
Néanmoins (nous soulignons),
« il existe des degrés dans l’exagération des apports». (Ainsi) en attribuant aux choses apportées une valeur manifestement exagérée et qu’ils savent telle, les fondateurs (et les administrateurs) affirment sciemment et dans le but de tromper les tiers que le capital est souscrit » [8].
Et (nous soulignons),
« Étant donné les formules variables pour évaluer les biens, il n’y a de surévaluation ‘manifeste’ que si elle devait apparaître à un expert impartial comme indéfendable sauf recours à des arguments spécieux » [9].
3. Sanction de l’apport fictif en numéraire
3.1. L'annulation de la souscprition des actions
La doctrine (VAN OMMESLAGHE & DIEUX) enseigne que (nous soulignons) [10] :
« 65. ANNULATION D’UNE SOUSCRIPTION DU CHEF DE DOL OU D’ERREUR SUBSTANTIELLE. —OPPOSABILITÉ À LA SOCIÉTÉ ET AUX TIERS. — Selon un arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1987 (Pas., 1988, I, 298. —T.R.V., 1988, p. 355 et la note M. Wijckaert), l’actionnaire qui a été amené à souscrire au capital d’une société anonyme par les manœuvres dolosives des administrateurs peut opposer la nullité de sa souscription à la société, ou, en cas de faillite de celle-ci, au curateur qui réclame la libération de l’apport.
L’article 52 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, selon lequel ‘les souscripteurs d’actions sont, nonobstant toute stipulation contraire, responsables du montant total de leurs actions», ne concerne que les souscriptions valables, et les manœuvres dolosives pratiquées par les administrateurs, en qualité d’organes «agissant dans l’accomplissement de leurs fonctions légales ou statutaires’, sont imputables à la société elle-même.
De plus les souscriptions constituent des engagements par déclaration unilatérale de volonté, en sorte que leur annulation du chef de dol peut être poursuivie quel que soit l’auteur du dol : par définition même, en effet, on ne saurait exiger, en matière d’acte unilatéral, que le dol émane d’un cocontractant (MARTIN DE LA MOUTTE, L’acte juridique unilatéral, n° 217 et suiv. – DE PAGE, t. Ier, 3e éd., n° 52).
(…)
Bien entendu, en cas de dol ou d’erreur substantielle, le souscripteur ne peut demander que la nullité de sa propre souscription et il n’a pas de titre à postuler l’annulation d’une autre souscription, au motif qu’il aurait commis une erreur sur la consistance, ou a fortiori sur la valeur de l’apport promis par un autre souscripteur. La Cour d’appel de Bruxelles nous paraît avoir perdu de vue cette règle dans un arrêt du 13 mars 1984, R.D.C., 1987, p. 330).
Dans cette espèce la nullité de l’apport en nature d’un terrain, promis par un fondateur, était poursuivie au nom de la société et des autres fondateurs qui prétendaient avoir été victimes d’une erreur sur la valeur du terrain en cause (‘essentiële dwaling nopens de waarde toe te bedelen aan het in natura ingehracht actief’). L’arrêt rejette cette demande, mais sur la base de considérations de fait propres à l’espèce établissant que tous les fondateurs étaient conscients du caractère spéculatif de la valeur attribuée au terrain apporté, en sorte qu’aucun d’eux ne pouvait prétendre avoir été abusé.
On n’aperçoit pas d’ailleurs quel intérêt la société pourrait avoir à demander l’annulation d’un apport en nature surévalué. Pour la société comme pour les tiers, la sanction de la surévaluation consiste dans la responsabilité solidaire des fondateurs et, en cas d’augmentation de capital, des administrateurs, conformément à l’article 35, 4° ».
Ainsi donc, le dol commis à l’occasion de la souscription entraine la nullité de celle-ci.
En outre, suite à la nullité de la souscription,
« l’apport doit être restitué par la société à l’apporteur dont il apparait qu’il n’a jamais été associé » [11].
Il faut être attentif au fait que la sanction de nullité ne frappe que la souscription par l’actionnaire victime de la fraude.
A contrario, elle ne frappe pas les souscriptions non dolosives et n’entraîne absolument pas la nullité de la constitution de la société ou celle de l’assemblée générale ayant décidé des apports supplémentaires.
3.2. Les administrateurs solidairement réputés souscripteurs
Conformément aux articles 5:15 (constitution) et 5:138 (apport supplémentaire) du CSA, les membres de l’organe d’administration sont, de plein droit, réputés souscripteurs des actions dont la souscription a été annulée.
Ainsi donc, lorsque la souscription par l’un des souscripteurs est annulée, par exemple pour cause de dol, les administrateurs doivent boucher le « trou » ainsi creusé : ils sont de plein droit réputés souscripteurs de la partie manquante des apports qu’ils sont tenus de libérer [12].
3.3. La responsabilité solidaire des fondateurs et des administrateurs
Conformément aux articles 5:16 (constitution) et 5:139 (apport supplémentaire) du CSA, les fondateurs et les membres de l’organe d’administration sont, nonobstant toute stipulation contraire, solidairement responsable envers les intéressés du préjudice résultant de la surévaluation manifeste des apports en nature.
4. Conclusion
Il ne faut pas croire que, suite à la disparition, dans les SRL, de la notion de quasi-apport, on tombe dans un régime de liberté totale.
Bien au contraire.
Au risque d’être lourdement sanctionné (nullité de la souscription et remboursement corrélatif ; administrateur réputé souscripteur ; responsabilité des administrateurs), lorsqu’une SRL décidera d’acquérir un bien d’une certaine importance appartenant à un administrateur, à un fondateur ou à un actionnaire, il s’agira d’être particulièrement circonspect et, en règle générale, de privilégier l’apport en nature à un achat (pour les exceptions, voir notamment l’article 5:133, § 2 du CSA).
Me Thierry Corbeel
Avocat spécialisé en droit des sociétés et en droit commercial
[1] L’article 30 des Lois coordonnées sur les sociétés commerciales est l’ancêtre de l’article 5:13 du CSA.
[2] J. MALHERBE, PH. LAMBRECHT ET PH. MALHERBRE, Droit des sociétés, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 385, n° 681.
[3] Ch. RESTEAU, op. cit., loc. cit.
[4] M. LUTTER, « L’apport en numéraire fictif : une théorie allemande et un problème européen », Rev. soc., 1991, p. 331 et svt.
[5] P. HAINAUT-HAMENDE & G. RAUCQ, Les sociétés anonymes – constitution et fonctionnement, Larcier, Bruxelles, 2005, p. 252, n° 167.
[6] Th. TILQUIN & V. SIMONART, Traité des sociétés, T. I, Kluwer, Diegem, 1996, p. 373, n° 493.
[7] Ch. RESTEAU, op. cit., loc. cit.
[8] P. HAINAUT-HAMENDE & G. RAUCQ, op. cit, p. 206, n° 106.
[9] OLG Düsseldforf, 8 décembre 1975, R.P.S., 1976, p. 137, n° 5906.
[10] P. VAN OMMESLAGHE & X. DIEUX, « Les sociétés commerciales – examen de jurisprudence (1979 à 1990) », R.C.J.B., 1993, p. 648, n° 65.
[11] M. COIPEL, Les sociétés à responsabilité limitée, Larcier, Bruxelles, 2008, p. 271, n° 97-1.
[12] M. COIPEL, op. cit., loc. cit.
[1] C’est parce qu’on faisait « comme si », que l’on parlait de « quasi-apport ».
[2] Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, Exposé des motifs, Commentaires des articles, Commentaire de l’article 5:7, Doc. Parl., Ch. repr., 2017-2018, n° 54-3119/001, p. 131.