Le schéma des comptes annuels soumis à l'approbation de l'AGO
Chaque année, l’assemblée générale ordinaire doit approuver les comptes annuels. Mais sous quelle forme les comptes doivent-ils être présentés à l’assemblée ? S’agit-il des comptes annuels complets ou des comptes annuels selon le schéma abrégé ?
Selon le CSA, les « petites sociétés » (selon l’art. 1:24 du CSA) ont la faculté de tenir et de publier leurs comptes annuels selon le schéma abrégé (art. 3:2 et 3:11 du CSA – art. 3:58, § 2 de l’AR d’exécution du CSA).
Puisqu’il est question de la tenue des comptes, on pourrait en déduire que, dans les petites sociétés, l’organe d’administration peut se limiter à communiquer aux actionnaires et à soumettre à l’approbation de l’AGO, les comptes annuels selon le schéma abrégé.
Certains juristes vont en ce sens.
Pour notre part, nous sommes nettement plus réservés.
En effet, il faut garder à l’esprit le principe essentiel en droit des sociétés selon lequel l’organe d’administration doit assurer une égalité de traitement à tous les actionnaires qui se trouvent dans une situation identique.
Ainsi donc, pour peu qu’un administrateur soit également actionnaire (ce qui est le cas dans l’immense majorité des petites sociétés), si l’organe d’administration ne communique à l’actionnaire lambda que les comptes annuels selon le schéma abrégé, il y aura une inégalité de traitement (différentiel d’informations) entre cet actionnaire ambda et l’administrateur-actionnaire qui lui, bien entendu, aura accès aux comptes annuels complets.
L’actionnaire lambda pourrait alors agir en responsabilité contre les administrateurs personnellement pour ne pas avoir respecté ce principe de bonne gouvernance. Ce serait également de l’eau au moulin de l’actionnaire minoritaire qui souhaiterait introduire une action en retrait forcé contre les majoritaires.
Il est vrai toutefois que si le ou les administrateurs ne sont pas actionnaires et qu’ils communiquent indistinctement à tous les actionnaires les comptes annuels tenus selon le schéma abrégé, le principe d’égalité de traitement sera respecté.
Mais dans tous les cas et même dans une telle situation particulière, il faut encore s’interroger sur la validité de la décharge qui serait donnée par l’AGO aux administrateurs lorsque les comptes annuels lui ont été soumis selon le schéma abrégé.
Soyons pratiques : la décharge est-elle donnée en parfaite connaissance de cause lorsque l’AGO n’a même pas connaissance du chiffre d’affaires réalisé et du volume des achats ? Est-ce que l’administrateur rend compte de sa gestion lorsque des éléments aussi essentiels sont passés sous silence ? Ce serait quand même très difficile à soutenir !
Ainsi donc, si les administrateurs ne font approuver que des comptes présentés selon le schéma abrégé, ils garderont pendant 5 ans (durée de la prescription des actions en responsabilité des administrateurs) une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
Le meilleur conseil que l’on peut donner est donc d’éviter la tentation de jouer au plus malin et de communiquer aux actionnaires en vue de l’AGO, les comptes annuels selon le schéma complet. D’autant que, lorsqu’on ne communique que les comptes abrégés, cela suscite la suspicion et que si l’actionnaire consulte le cabinet Solutio (ou un autre avocat qui a du flair), on va commencer à renifler partout !